Divorces frontaliers suisses : quel est le sort des 3 piliers ? (système de retraite et prévoyance)
Quand des époux divorcent en France avec application de la loi française et qu’au moins un des deux travaille (ou a travaillé) en Suisse, se pose la question de savoir si les montants versés pendant le mariage, dans le cadre du système de prévoyance, sont ou non entrés dans la communauté et donc doivent ou non être partagés.
Le système de prévoyance suisse se décompose en trois catégories que l’on appelle « piliers ».
1er Pilier : Le premier pilier correspond à un régime de protection de base, par répartition. Il a pour objet la garantie d’un minimum vital. Il correspond aux prestations suivantes : AVS (assurance-vieillesse et survivants) et AI (assurance invalidité).
2e Pilier : Le second pilier est un système de prévoyance professionnelle par capitalisation. Il est obligatoire lorsque le salaire du frontalier dépasse un certain seuil. Il a pour objet de maintenir le niveau de vie antérieur à la retraite.
Lorsqu’une personne assurée sort de sa caisse de pension avant la survenance d’un cas de prévoyance (vieillesse, invalidité, décès), elle perçoit ce qu’on appelle la prestation de libre passage.
3e Pilier : Le troisième pilier est un système de prévoyance individuelle facultative. Il s’agit d’une épargne individuelle.
Le sort des piliers en cas de divorce :
1er Pilier : Concernant le premier pilier, il s’agit de cotisations retraite « de base ». D’après la loi Suisse, ce premier pilier est partagé entre les époux, même divorcés, lors de la perception des droits au moment de la retraite. La loi française ne connaît pas de telles dispositions, car c’est le versement de la prestation compensatoire qui compense les éventuelles disparités en terme de droits à la retraite. Il n’est toutefois pas exclu qu’un ex-conjoint ayant obtenu une prestation compensatoire ne puisse pas, lors du départ à la retraite de son ex-époux, obtenir le versement d’une partie de sa pension de retraite au titre de l’AVS.
2ème Pilier : La question s’est posée concernant le second pilier et a donné lieu a des divergences jurisprudentielles.
En Suisse, une nouvelle loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2017 et prévoit le partage du 2e pilier au moment de l’introduction de l’instance en divorce.
Il existe des exceptions au principe du partage par moitié du 2e pilier. Dans certains cas les conjoints peuvent l’écarter par convention. Le juge dispose d’une large marge de manœuvre en la matière.
La nouvelle loi prévoit également que lorsque le cas de prévoyance est déjà survenu, les prestations doivent également être partagées, ce qui n’était pas le cas avec l’ancienne loi.
En France, la loi ne prévoit pas de dispositions relatives à ce système de prévoyance. La Cour de cassation considère actuellement que les sommes placées au titre de ce 2ème pilier constituent un bien propre, sauf pour les montants retirés par le salarié avant la survenance d’un cas de prévoyance et qui ont été investis dans la communauté, généralement pour l’achat de sa résidence principale. Il s’agit alors d’un bien commun à partager.
Toutefois, il est important de préciser lors du divorce que la prestation compensatoire tient compte de l’absence de partage du 2e pilier, afin que l’ex-époux ne tente pas ensuite de réclamer, en plus de la prestation compensatoire, sa part dans le 2e pilier devant les juridictions suisses…
Avec la nouvelle loi suisse en vigueur depuis 2017, l’incertitude est grande actuellement, car les modifications législatives pourraient conduire à de nouvelles interprétations. Les jurisprudences suisse et française pourraient évoluer.
3ème Pilier : Le troisième pilier est actuellement considéré par la jurisprudence comme un bien commun qui doit être partagé en droit français.
Ce résumé ne constitue pas une analyse juridique approfondie et n’engage pas la responsabilité de son auteur. Il n’est pas mis à jour et des évolutions législatives ou jurisprudentielles peuvent le rendre obsolète. En toute hypothèse chaque situation doit être traitée de façon individualisée et approfondie.
Divorce, Partage, Construction sur un terrain propre, récompense due à la communauté
Arrêt de la Cour de cassation, 1e Chambre civile du 26 septembre 2012(pourvoi n°11-20196) publié au bulletin
Cet Arrêt concerne un différend entre deux ex-époux relatif à la récompense due par l’épouse à la communauté au titre du financement de la construction, pendant le mariage, d’une maison d’habitation sur un terrain lui appartenant en propre.
La Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’il résulte des articles 552 et 1406 du code civil que l’immeuble construit sur le terrain propre à l’un des époux pendant la durée du mariage et à l’aide de fonds provenant de la communauté constitue lui-même un bien propre.
Elle rappelle ensuite que conformément aux dispositions de l’article 1469, alinéa 3, du code civil, la récompense est égale au profit subsistant quand la valeur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur.
Par suite, un immeuble édifié sur un terrain propre de l’un des époux constituant lui-même un bien propre à cet époux, ce dernier doit à la communauté une récompense égale, non à la valeur du bien, mais à la plus-value procurée par la construction au fonds sur lequel celle-ci est implantée et déterminée d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement de l’amélioration du bien propre de l’époux